Biodiversité...
Les nitrates tuent les amphibiens
Des chercheurs de l'Université de l'Etat de l'Oregon à Corvallis ont exposé des grenouilles, crapauds et salamandres à des niveaux de nitrates que l'Agence de protection de l'environnement (EPA) considère sains pour l'homme.
Ils ont alors constaté chez certains crapauds et grenouilles une baisse de l'activité alimentaire, une perte de l'équilibre, l'apparition de difformités physiques et des paralysies conduisant à la mort. "Il s'agit d'un problème grave, estime le zoologue Andrew Blaustein. Nous avons désormais la preuve claire que l'exposition à des niveaux de nitrates à des niveaux jugés sûrs pour les humains et les poissons est suffisante pour tuer des amphibiens".
Dossier BIOsciences N°3.
La science à l'épreuve du réchauffement.
Jusqu'où tiendra le vivant?
Partout, faune et flore se modifientAujourd'hui, ce sont des centaines d'espèces dont on est sûr qu'elles sont en train de réagir au changement climatique. Répartis sur l'ensemble du globe, ces animaux et ces plantes modifient leur territoire, leurs comportements ou leur rythme biologique.
(...) Animaux et plantes sont en effet reliés les uns aux autres par toutes sortes de comportements ajustés. (...) Les tritons britanniques qui ont avancé leur reproduction et occupent les étangs au moment où les grenouilles qui, elles ont conservé leur ancien "timing", n'ont pas encore achevé leur développement. Résultat: les tritons festoient sur les oeufs et larves de grenouilles, et on ignore comment celles-ci survivront à pareille hécatombe. (...) En sommes, soit les éosystèmes se déplacent, soit ils se réorganisent. (...)
Des espèces prises au piège
Plus haut, plus près des pôles: voilà en général les possibilités de fuite pour les organismes qui souffrent de la hausse des températures. Mais les espèces qui vivent en montagne, près des sommets, sont sur la sellette. Un crapaud endémique des hautes terres du Costa Rica, le golden toad, a ainsi disparu en moins de trente ans sous l'effet du réchauffement. (...) Et puis, la géographie empêche parfois la fuite vers les pôles. C'est le cas en Afrique du Sud, où tout un écosystème de type méditerranéen est menacé par l'impossibilité de se déplacer plus au sud...
Y.S. Science et vie N° 1035
Décembre 2003
Plus de cent nouvelles espèces d'amphibiens viennent d'être recensées dans l'île.La sentence, attendue, n'en est pas moins tombée comme un couperet : selon l'édition 2002 de la Liste rouge de l'Union mondiale pour la nature (UICN), rendue publique début octobre, 11 167 animaux ou plantes sont aujourd'hui menacés d'extinction dans le monde, soit une augmentation de 121 espèces par rapport à l'édition de 2000. L'histoire de la vie sur Terre est, certes, parsemée de disparitions. Mais le taux d'extinction des espèces, rappellent les experts, "est aujourd'hui 1 000 à 10 000 fois supérieur à ce qu'il serait naturellement", du fait des activités humaines. Une espèce de mammifères sur quatre et une espèce d'oiseaux sur huit sont désormais en sursis, du simple fait de la destruction ou de la dégradation de leur habitat.
Quant à la biodiversité des amphibiens, elle est carrément en chute libre : de 4 % à 5 % par année, en moyenne, depuis quarante ans. Crapauds, grenouilles et salamandres sont menacés partout dans le monde, sans que l'on sache très bien si leurs principaux agresseurs sont des champignons microscopiques, les changements climatiques, les pluies acides, les rayons ultraviolets – ou l'influence conjointe de tous ces facteurs.
Dans ce contexte, la nouvelle qu'annonce la revue américaine Science (datée du 11 octobre) semble presque anachronique : dans l'île du Sri Lanka, au sud de l'Inde, plus de cent nouvelles espèces d'amphibiens viennent d'être recensées. Toutes sont de petites grenouilles arboricoles, du groupe des rhacophoridés. Leur découverte semble d'autant plus étonnante que de nombreuses espèces de batraciens, connues pour avoir peuplé le Sri Lanka au XIXe siècle, n'ont pu y être retrouvées. Et que cette île de 66 000 km- a perdu, en un siècle, environ 95 % de sa forêt humide, la superficie de celle-ci étant passée de 15 000 km2 à 750 km-.
Dans le grand mais très incomplet registre des espèces recensées (on estime que les seuls écosystèmes terrestres tropicaux en hébergent plus de 3 millions, quand seulement 750 000 ont été décrites), ces nouvelles venues n'auraient sans doute pas trouvé place si le Sri-Lankais Rohan Pethiyagoda, cosignataire de l'article, n'avait décidé, en 1993, de mettre ses propres deniers à contribution pour effectuer le recensement de la faune vivant encore dans son île. Très vite, la quantité imprévue de grenouilles qu'il découvre le convainc de consulter des spécialistes de la classification.
Sur la foi des caractères morphologiques et anatomiques des 1 000 spécimens étudiés, ceux-ci concluent d'abord à l'existence de 200 nouvelles espèces. En complément de cette analyse classique, des études génétiques sont effectuées, qui réduisent le nombre à 120. Les données moléculaires venant consolider celles de la science traditionnelle, "ce travail est à la pointe de ce que doit être l'approche moderne des recherches sur la biodiversité", commente dans Science le systématicien Roy McDiarmid, du Smithsonian National Museum de Washington.
Elément aqueux.
Mais comment ces espèces ont-elles survécu à l'hécatombe qui touche depuis un demi-siècle les membres de leur vaste tribu ? La réponse, pour autant que les biologistes puissent la certifier, réside hors de l'eau.
Dans le groupe des anoures (dix-sept familles, deux cent cinquante genres, trois mille espèces), auquel elles appartiennent, la reproduction se passe difficilement de l'élément aqueux. Si l'accouplement a bel et bien lieu, la fécondation est toujours externe : le mâle, étreignant fermement sa femelle sous les aisselles, dépose sa semence sur ses ovules, qu'elle a pondus individuellement, en masses ou en chapelets. Les embryons commencent à se développer dans ces œufs minuscules, bien à l'abri dans leur gangue gélatineuse. Celle-ci devant à tout prix être protégée du dessèchement, les batraciens de nos contrées, quand vient le temps de la ponte, choisissent de préférence la proximité immédiate d'un plan d'eau.
Au sud de l'Asie, les rhacophoridés ont un autre point de vue. Leurs amours se nouent dans les arbres, et les œufs sont déposés à même le feuillage. Mais l'eau, là encore, n'est jamais bien loin : quelques mètres plus bas, tout au plus. A l'éclosion, les têtards tombent dedans. Pour y achever leur métamorphose, et pour prendre de plein fouet, s'il y a lieu, la pollution qui s'y concentre.
Quelques anoures, enfin, jouent les originaux. Chez certains, les femelles ne pondent ni dans l'eau ni dans l'air, mais à terre, de gros œufs riches en réserves nutritives. D'autres, encore, les avalent, et les conservent dans leur sac vocal jusqu'à ce que les têtards y aient achevé leur métamorphose. D'autres, enfin, évitent le stade intermédiaire: de leurs œufs sortent directement des adultes miniatures. C'est, précisément, le cas des grenouilles arboricoles sri-lankaises.
Munis dès l'éclosion de petites ventouses sur leurs orteils, leurs petits peuvent immédiatement s'accrocher aux arbres, et ne se mouilleront jamais les pattes. Contrairement à la plupart des amphibiens (du grec amphi : double, et bios : vie), ces espèces-là ne connaissent qu'un seul mode d'existence ; c'est pourquoi, sans doute, ils l'ont gardée sauve. On laissera la conclusion à Pline l'Ancien : "Les mages disent beaucoup de choses et, si leurs assertions sont exactes, il faudrait regarder les grenouilles comme plus utiles aux sociétés que les lois."
Catherine Vincent, Le Monde,
27 Octobre 2002.
Menaces sur la biodiversité
En octobre et novembre dernier, la Convention sur le Commerce International des Espèces de Faune et de Flore Menacées (CITES) et l'Union Mondiale pour la Nature (UICN) se sont réunies à Bangkok pour faire un point sur la biodiversité planétaire et négocier les droits nationaux de chasse. Un bilan bien contrasté.
(...) Près de 16 000 espèces animales et végétales du globe sont menacées d'extinction, essentiellement en raison du comportement destructeur de l'homme, indique l'UICN dans sa nouvelle "liste rouge" publiée à Bangkok.
42% des tortues menacées d'extinction
La surexploitation des ressources, les changements climatiques et la destruction de l'habitat naturel explique en grande partie la crise qui a fait disparaître de la planète au moins 27 espèces depuis vingt ans, selon l'UICN, qui précise qu'il s'agit probablement d'une sous-estimation.
Plus de 7 000 espèces animales sont menacées d'extinction: 32% des amphibiens, 42% des tortues terrestres, d'eau douce ou marines, 23% des mammifères et 12% des oiseaux. (... ...) Le crapaud doré du Costa Rica (Bufo periglenes) a disparu en raison des changements climatiques, de la pollution et de maladies.
(...) La liste rouge 2003 faisait état de 12 259 espèces menacées. L'UICN a expliqué que la hausse importante de 3 000 espèces entrées d'une année sur l'autre était surtout le fruit d'une amélioration de la recherche sur les espèces. Cette liste vient s'ajouter à de récents rapports très alarmistes. Selon une étude de trois ans publiée en octobre, un tiers des amphibiens du monde sont menacés d'extinction. Plus de 100 espèces d'amphibiens auraient disparu depuis 1980 et les scientifiques redoutent l'extinction de centaines d'autres dans les prochaines décennies.
Les amphibiens, avec leur peau très perméable, sont particulièrement sensibles au changement de la qualité de l'air et de l'eau douce et considérés comme les meilleurs indicateurs de l'altération de l'environnement.
Dossier BIOsciences N°22,
Février-Avril 2005.
Le Roundup à nouveau accusé Les amphibiens disparaissent petit à petit de la surface de la Terre. Depuis le début des années 60, ils s'effacent au rythme effrayant de presque 4 % par an et 32 % d'entre eux sont menacés d'extinction à court terme. Les raisons de cette hécatombe demeurent encore inconnues. Les scientifiques suspectent un ensemble de facteurs qui cumulés aboutissent à la destruction de ces espèces fragiles. Rick Relyea de l'Université de Pittsburgh, en Pennsylvanie, a découvert que le Roundup, l'herbicide le plus utilisé dans le monde, causerait la mort des batraciens à des concentrations bien plus basses que celles communément admises. Le produit chimique est nocif aussi bien pour les têtards que pour les adultes. Dans deux articles, publiés cette semaine dans le journal Ecological Applications, Relyea montre que des quantités, correspondant au tiers des concentrations de Roundup admises dans la nature, provoquaient la mort de 71 % des têtards élevés dans des bacs. Le Roundup n'est normalement pas utilisé dans l'eau mais l'épandage massif et souvent négligeant de ce produit fait qu'on le retrouve dans les eaux de nombreuses zones marécageuses.
Concernant les individus adultes, Relyea et son équipe ont analysé l'effet d'une variété de Roundup utilisé par les propriétaires de petits terrains et les jardiniers amateurs (Roundup Weed and Grass Killer). Cette fois, le produit a mis un seul petit jour pour éliminer 86 % des grenouilles terrestres. Plus effrayant encore 98% des tous les têtards ont été détruits en 3 semaines et 79 % de toutes les grenouilles en un seul jour. Le produit en cause n'est pas l'herbicide lui-même mais un additif utilisé pour faciliter la pénétration du Roundup dans les feuilles. Cet herbicide est depuis plusieurs années au cour d'un débat concernant sa dangerosité. Plusieurs études ont démontré sa toxicité sur les batraciens, les insectes et également sur l'homme.
Joël IGNASSE,
Sciences et Avenir 04/08/2005
Effets toxiques du glyphosate
A Que devient le glyphosate dans le sol et dans l'eau ?
Sa persistance est en fait très variable. Selon les sols et les situations, la demi vie de la quantité appliquée a été évaluée à 3 jours dans certains sols (Texas), à 141 jours dans d'autres (Iowa) et même à 296, 335 et 360 jours dans des sites forestiers (Finlande, Ontario, Colombie britannique). La persistance la plus longue a été signalée dans des sites forestiers en Suède : de 1 à 3 ans. Le glyphosate serait adsorbé sur les particules des sols, à partir desquelles, suivant les conditions, il peut se désorber rapidement, d'où la variabilité de sa persistance.
Outre la présence du glyphosate dans des cours d'eau ou étangs, suite au contrôle de la végétation aquatique, l'herbicide peut provenir de zones agricoles voisines. A partir d'un sol traité au glyphosate, puis lessivé par l'eau, la matière active est désorbée et se retrouve dans les eaux de surface ou souterraines. De nombreux cas de contamination d'étangs, puits, rivières proches de terrains agricoles ont ainsi été relevés en Hollande et aux Etats Unis. La persistance du glyphosate dans l'eau est nettement plus courte que la persistance dans les sédiments.
Faune menacée
Les batraciens sont également victimes : un exemple est le cas du crapaud de Houston devenu une "espèce en danger" suite à la destruction de son habitat par le glyphosate. En Australie, de nombreux produits à base de glyphosate ont été interdits d'usage dans et près des pièces d'eau, à cause de leur toxicité pour les têtards et même pour les grenouilles adultes.
Biodiversité. Le parc Périgord-Limousin tente d'éradiquer ce batracien venu des Etats-Unis.
La grenouille-taureau mise à mort
Périgueux (Dordogne) envoyée spéciale
Rana catesbeiana n'est pas une grenouille comme les autres. Son poids, jusqu'à un kilo, en fait l'un des plus gros spécimens au monde, et son cri, puissant meuglement émis par le mâle et audible à un kilomètre à la ronde, justifie son appellation commune de grenouille-taureau. Mais c'est sa voracité doublée d'une capacité redoutable à coloniser de nouveaux territoires qui lui vaut une attention particulière. Elle est en effet la première espèce envahissante en France visée par une opération méthodique et coordonnée d'éradication, menée à titre expérimental dans le parc naturel régional Périgord-Limousin.
Projecteurs et carabines. Après plusieurs années d'étude du comportement de la bête et un inventaire précis des points d'eau infestés sur le territoire du parc en 2005, une opération d'éradication a été lancée cet été. Chaque nuit, des équipes associant des spécialistes du parc et des agents du Conseil supérieur de la pêche se mettent en chasse. En barque sur les plans d'eau, équipés de projecteurs et armés de carabines à air comprimé tirant des billes d'acier, ils traquent l'animal. Leurs cibles sont surtout les gros mâles adultes et reproducteurs dont les chants se répondent d'une rive à l'autre, ce qui les rend repérables, mais aussi les juvéniles, plus petites et plus farouches, ou les pontes."Amphibiens, insectes... Elle mange tout. Les analyses stomacales montrent la présence de serpents et d'oiseaux." Le responsable de l'opération d'éradication Près de 1 500 grenouilles ont déjà été abattues depuis le début de l'été. «Nous sommes les seuls autorisés à mener cette opération», prévient le chef de la brigade départementale du Conseil supérieur de la pêche, Patrick Nuques, mandaté pour l'exécution de la besogne et soucieux du respect des règles. Pas question d'inciter les particuliers à se lancer dans une chasse sauvage à la grenouille-taureau, dont le braconnage, tout comme le transport, est un délit passible d'une amende de plusieurs milliers d'euros.Si elle pullule autour des points d'eau du secteur, la grenouille-taureau n'a rien à faire là. Originaire de la côte est de l'Amérique du Nord, elle a fait le voyage transatlantique en 1968 dans les bagages d'un aviateur qui souhaitait avoir quelques-uns de ces batraciens hors normes autour de sa maison girondine. En une trentaine d'années, les dix spécimens déposés dans son jardin sont devenus des milliers de grenouilles, disséminées sur deux départements (1). L'installation de ce coassant colon américain sur le Vieux Continent serait tolérable s'il respectait son nouvel environnement. Mais Rana catesbeiana serait plutôt du genre à faire place nette. «Amphibiens, insectes... Elle mange un peu tout ce qu'elle trouve, explique Tony Dejean, responsable de l'opération d'éradication. Les analyses de contenus stomacaux montrent parfois la présence de serpents ou d'oiseaux.»
Menace. Vorace, l'animal semble également avoir une hygiène douteuse qui pose problème : de récentes études ont démontré que cette grenouille serait aussi porteuse saine de chytrides, des champignons toxiques pour les espèces autochtones comme les rainettes. La chose est donc à prendre au sérieux, et la grenouille-taureau est aujourd'hui considérée comme un risque majeur de perturbation écologique. «La prolifération d'espèces exotiques envahissantes est considérée au niveau mondial comme la première cause de perte de biodiversité, au même titre que la destruction des habitats, souligne Tony Dejean. Nous n'avons pas su intervenir à temps pour d'autres espèces envahissantes comme le ragondin ou l'écrevisse. Pour la grenouille-taureau il n'est pas encore trop tard.» Les premiers résultats pourront commencer à être étudiés l'été prochain. S'ils sont satisfaisants, et à condition de convaincre d'autres partenaires, l'opération pourrait être étendue à l'ensemble du Sud-Ouest.Pragmatique, le président du parc régional Michel Moyrand raisonne d'abord à plus petite échelle. «Nous devons au moins convaincre les voisins directs du parc, les départements de la Dordogne et de la Haute-Vienne, pour que l'opération se poursuive après 2007 et au-delà de notre zone», explique-t-il, conscient qu'un effort localisé pourrait rapidement être réduit à néant. Il ne cache pas sa fierté d'avoir réussi à réunir les 100 000 euros nécessaires à l'organisation de cette première campagne. «Les habitants ont en tout cas bien compris l'importance d'agir vite», se réjouit-il. Surtout ceux que le chant puissant de la grenouille-taureau empêche de dormir la nuit.Sophie Lemaire, Libération,
Lundi 14 Août 2006.